samedi, décembre 31, 2005

La porte du savoir

Voici un article de Laurent Lafforgue extrait de L'Express. Je ne saurais mieux dire.

La porte du savoir

Du très regrettable rapport Thélot sur l'école, le passage le plus malencontreux est probablement son titre : « Pour la réussite de tous les élèves » [1]. En effet, ce titre éloigne l'école de sa raison d'être et formule en son nom une promesse impossible à tenir. La raison d'être de l'école est d'ouvrir au savoir, d'éveiller l'esprit, d'instruire.

Son but premier, qui fonde sa légitimité, n'est pas de « faire réussir », pas plus que de pacifier la société ou de créer un monde nouveau. Bien sûr, l'école peut « faire réussir » - non pas tous les enfants et tous les jeunes, mais beaucoup. Elle peut préparer à de bons métiers, non pas pour tous mais pour beaucoup. Elle peut contribuer à la pacification de la société en faisant sortir les enfants de leur ego, en exerçant leur raison et en les orientant vers la recherche de la vérité, qui ne dépend pas de nous. Elle peut améliorer le monde en éclairant les esprits et en donnant à beaucoup les moyens intellectuels de la liberté et de la créativité.

Mais elle fera d'autant mieux tout cela qu'elle mettra au centre le savoir, la connaissance, l'étude, depuis les apprentissages simples et essentiels - lire et écrire, compter et calculer, observer, maîtriser la langue - jusqu'aux plus élevés, qui font entrer pleinement dans la vie intellectuelle ou dans la création technique.

Aussi l'école doit-elle enseigner des contenus solides, riches, nourrissants, stimulants. Elle doit être exigeante envers les élèves, les forcer à cette chose toujours pénible au départ et pourtant merveilleuse –apprendre.

Elle a besoin de l'autorité des professeurs et de la discipline des élèves, non que celles-ci valent par elles-mêmes, mais parce que l'autorité des professeurs est fondée sur le savoir et que, si elle n'est pas respectée, l'étude devient impossible.

L'école doit aider le plus possible les élèves qui acceptent de travailler. Elle doit proposer un grand nombre de filières, abstraites, concrètes ou techniques, dont chacune ait sa façon d'être excellente. Elle doit être vraie envers tous, ne brader aucun diplôme, n'entretenir aucune illusion.

Elle a besoin enfin que notre société la reconnaisse et la respecte pour ce qu'elle est, la porte du savoir et pour ce qu'elle peut donner : non pas tout, mais beaucoup.

[1] : est-ce un accès de démagogie particulièrement vil ou, plus gravement, encore un de ces exemples où l'usage de bons sentiments de façade remplace à moindrs frais l'intelligence et l'analyse ?

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