mardi, janvier 24, 2006

L'affaire homme (R. Gary)




FFF

Recueil d'articles de Romain Gary. C'est toujours un plaisir de lire Gary, "gaulliste moral", entre autres "parce que De Gaulle ressemble à ma mère." C'est une des raisons les plus simples que j'ai entendue d'être gaulliste !

> En nos temps d'autoflagellation anti-coloniale (1), il est bon de lire que Gary redoutait dès 1957 les nationalismes indigènes copiés sur leurs sanglants modèles occidentaux et renvoyait dos à dos tortionnaires blancs et éradicateurs du FLN ; position très proche de celle de Camus et, pour cela, peu populaire à Saint-Germain des prés.

> Ensuite, il explique sa misanthropie et son écologisme, attitude qui me paraît cohérente et qu'il m'arrive quelquefois de partager. Je me demande si l'homme ne devrait pas se faire sauter une bonne fois pour toutes (à commencer par les écolos) et laisser les bêbêtes tranquilles. Gary, pour combler le besoin de protéines du à la croissance démographique, propose de rendre légal voire obligatoire le cannibalisme, d'abord avec les cadavres produits par nos différentes guerres après quoi on pourra directement "abattre la viande humaine sur pied". La conclusion de Gary coule de source : "Je salue dans la bombe à hydrogène l'humain à son apogée."

> Il donne ses conceptions sur l'art moderne : " Le néant culturel n'est pas sans mérite. C'est propre. C'est relaxant. Ca ne donne pas à réfléchir. C'est sain. Et c'est le comble de l'unité. [...] Dans la quête du vide culturel, la société communiste a pris une longueur d'avance, mais l'Occident lui dispute ardemment la première place. Jamais encore dans l'histoire de la peinture, autant ont fait si peu pour de si rares amateurs (2)."

> Un petit passage sur l'éducation : "Mais comment échapper à cet irrespect complaisant d'autrui quand nous vivons dans une société où nos enfants sont élevés par une école d'éducateurs post-freudiens ? A peine commencent-ils à penser qu'on les encourage à être "eux-mêmes" (3), à casser et à brailler sans risquer de punition. J'ai vu un gosse fourrer des oisillons vivants dans les doigts d'un gant sous l'oeil satisfait de ses modernes parents. Quand je me suis jeté sur le petit monstre, je me suis fait réprimander et dire que je traumatisais l'enfant. Que l'enfant lui-même torturât et tuât des oiseaux tout en m'infligeant à moi un traumatisme ne parut pâs le moins du monde inquiéter ces stupides adeptes de manuels imbéciles de psychologie infantiles." Cela me rappelle un passage de Montaigne (De la coustume, et de ne changer aisément une loy reçue) :

Je trouve que nos plus grands vices prennent leur pli de nostre plus tendre enfance, et que nostre principal gouvernement est entre les mains des nourrices. C'est passetemps aux mères de voir un enfant tordre le col à un poulet, et s'ésbatre à blesser un chien et un chat. Et tel père est si sot, de prendre à bon augure d'une âme martiale, quand il voit son fils gourmer injurieusement un paysan, ou un laquet, qui ne se défend point : et à gentillesse, quand il le voit affiner son compagnon par quelque malicieuse desloyauté, et tromperie. Ce sont pourtant les vraies semences et racines de la cruauté, de la tyrannie, de la trahison. Elles se germent là, et s'eslèvent après gaillardement, et profittent à force entre les mains de la coustume. Et est une très dangereuse institution, d'excuser ces villaines inclinations, par la foiblesse de l'âge, et legéreté du subject. Premièrement c'est nature qui parle ; de qui la voix est lors plus pure et plus naïve, qu'elle est plus grêle et plus neuve. Secondement, la laideur de la piperie ne dépend pas de la différence des écus aux épingles : elle dépend de soi. Je trouve bien plus juste de conclure ainsi : "Pourquoy ne tromperoit il aux écus, puis qu'il trompe aux épingles ?" que, comme ils font : "Ce n'est qu'aux épingles : il n'auroit garde de le faire aux écus". Il faut apprendre soigneusement aux enfants de haïr les vices de leur propre contexture, et leur en faut apprendre la naturelle difformité, à ce qu'ils les fuient non en leur action seulement, mais sur tout en leur coeur : que la pensée même leur en soit odieuse, quelque masque qu'ils portent.

> il répète une phrase d'Albert Camus "Il y a des idées qui valent qu'on meurt pour elles mais il n'y en a pas qui vaille qu'on tue pour elles." Albert Camus est un peu oublié de nos jours, sous prétexte qu'il faisait dans les "bons sentiments". Ca ne me surprend guère, notre monde a bien tout ce qu'il mérite : des slogans comme caricatures de pensées.

Bon, allez, j'ai été méchamment déviant en lisant Romain Gary, vite, vite, relisons les oeuvres complètes de José Bové.

(1) : qu'on me comprenne bien, la colonisation a été, dans son principe et souvent dans son application, atroce. Cependant il ne faut point trop en faire et garder une certaine mesure. La colonisation a eu des quelques effets positifs et elle n'est pas la source unique et dominante de nos problèmes d'immigration.

(2) : ce texte a été écrit par Gary en Anglais, c'est une parodie du churchillien "Never in the history of mankind, so many owe so much to so few." (qui donne quand même mieux qu'en Français.)

(3) : "être soi-même", pour Gary, c'est le comble de la barbarie, la négation de la civilisation.

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