mardi, mai 29, 2007

Le gouvernement Sarkozy mal parti ?

Lors de la campagne électorale, j'ai à maintes reprises souligné le manque d'analyse économique des deux principaux candidats.

Cela se traduisait pour l'une par un grand vide parfumé de quelques pincées de maternage étatique, le vent avait une odeur de rose, pour l'autre par des déclarations aussi tranchantes que contradictoires.

Je rappelle brièvement mon analyse :

> La France souffre d'un problème d'offre, c'est-à-dire principalement d'investissement et d'organisation de l'économie, et non d'un problème de demande, c'est-à-dire de pouvoir d'achat.

C'est pourquoi toute augmentation de la consommation fait le bonheur des importateurs de produits asiatiques et non de l'industrie française.

> L'Etat est le principal boulet de la France, et le principal facteur de risques. Son fonctionnement et la rigidité qu'il fait peser sur l'économie marchande expliquent pour une grande part, mais pas totalement, le problème d'offre mentionné ci-dessus.

> La réduction des déficits est un levier politique d'amélioration de la productivité de l'Etat. Si l'Etat était aussi productif que le privé, la dette ne serait pas un problème puisqu'on aurait face une infrastructure ou un service de même valeur.

La dette n'est un problème que parce qu'on n'en a pas pour notre argent, parce que, quand on met 1 € dans l'Etat, on obtient un service qui vaudrait 0,75 € si il était rendu efficacement (si on allait jusqu'au bout du raisonnement, il faudrait que 1 € mis dans l'Etat génère un service valant 1,04 € pour payer les intérêts d'emprunt) (1).

Les deux priorités qui en découlent sont :

> Réduction de tous les impôts, entraves, règlements qui pèsent sur l'investissements et les profits.

> réorganisation de l'Etat dans le but de gains de productivité et, par la même occasion, de plus de justice (le Portugal réduit les effectifs publics de 25 % cette année avec un objectif à 40 % et en profite pour passer les fonctionnaires en contrats de droit privé).

Voilà schématiquement comment je perçois la situation.

Or, que fait le gouvernement Fillon depuis qu'il est nommé ?

D'une part, il fait tout un barnum autour des heures supplémentaires et de la réduction des impôts des particuliers, c'est à dire une politique de la demande, très peu payante électoralement (2) et totalement néfaste économiquement.

D'autre part, il suggère d'enterrer le combat contre les déficits, ce qui ne me gênerait pas si ce n'était à mes yeux le signe annociateur d'un enterrement en catimini de la réforme radicale de l'Etat, dont la France a besoin.

Bref, les augures ne sont pas bons.

S'agissant de la suppression de la carte scolaire, on en est au même recul : la suppression devient ajournement.

Tous ceux qui jouaient à se faire peur avec Sarkozy, les profiteurs du système, les abrités (3), les subventionnés, les fonctionnaires, les retraités "spéciaux" et tous ceux qui ont intérêt à ce que rien ne change parce qu'ils ne sont pas si mal dans la France d'aujourd'hui (4) avaient bien tort.

Pendant la campagne électorale, la question se posait de savoir si Sarkozy ferait la politique de Chirac ou celle de Thatcher.

Comme je l'ai déjà dit, on pourra commencer à porter un jugement en septembre 2007, mais, tout de même, les premiers signes n'encouragent pas à l'optimisme.

Je suis en train de lire une biographie fort intéressante de Margaret Thatcher. Elle n'avait pas la brutalité qu'on lui caricaturalement attribué en France, mais elle savait ce qu'elle voulait, elle avait une analyse de la situation très nette.

On a du mal à savoir ce que le nouveau président veut. A l'aune de Clémenceau : "La politique, c'est savoir ce que l'on veut, dire ce que l'on veut et faire ce que l'on dit.", Sarkozy pose problème.

J'ai bien peur que la France ne reste le pays où les tabous (5) protègent les statuts privilégiés.

En tous les cas, nous sommes à des kilomètres des réformes fondamentales qui ont réussi ailleurs.

"Ce n'est parce que c'est difficile que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas que c'est difficile." (Sénèque)

(1) : je dis tout cela de manière rapide, je sais qu'il est difficile de chiffrer ce que valent exactement les services étatiques.

(2) : tous les gouvernements précédents depuis vingt ans ont fait peu ou prou une politique de la demande, ce qui ne les a pas empêché d'être systématiquement battus.

(3) : pour l'anecdote, je fais partie des abrités. Mais je ne pense pas qu'à moi !

(4) : et tant pis pour les pauvres si le niveau de vie moyen pourrait être d'un bon tiers plus élevé avec des réformes libérales (je ne sors pas ce chiffre d'un chapeau, mais des exemples canadiens, suédois, kiwis, grands-bretons etc ...).

(5) : exemple : pourquoi ne peut-on licencier un fonctionnaire pour raison économique ? "Monsieur, nous sommes désolés, votre poste va disparaître et nous n'avons pas de place pour vous ailleurs."

3 commentaires:

  1. Excellente synthese!
    Par contre j'insisterai egalement sur Etat= etat + Secu; la Secu c'est vraiment le nerf de la guerre de mon point de vue.

    RépondreSupprimer
  2. Pourtant, j'ai oublié un point fondamental : l'Etat ne peut pas, par essence, être aussi souple et inventif que des millions d'hommes interagissant, prenant quotidiennement des décisions d'investissement, d'achat, de vente, ce qu'on appelle, pour faire court, une économie de marché.

    Il faut donc réduire la part de l'Etat, au sens large, dans le PIB de manière à réduire le gaspillage.

    Mettons un PIB de 100, si l'Etat en est pour 50 et gaspille 20 % de ses revenus (ce qui est à peu près le cas français), il gaspille 10.

    Avec le même PIB, si l'Etat n'en est que pour 30, avec le même gaspillage en proportion, il ne gaspille pluis que 6.

    RépondreSupprimer
  3. Tu es dur avec toi. Quand tu ecris l'etat en France est un boulet, tu as tout dit sur la situation en France. Apres 100% d'accord, ce resultat se generalise en tout lieu et en tout temps. :D

    RépondreSupprimer