samedi, octobre 10, 2009

Pas d'argent pour l'école (2)

Plus il agit, plus je méprise Martin Hirsh. C'est l'homme des fausses bonnes idées dévastatrices et immmorales (comme l'abbé Pierre ?).

Un reflet du désespoir qui règne à l'école

09/10/2009 Le Figaro Pour Chantal Delsol, philosophe, l'État n'a pas à récompenser et à punir à la place des parents.


Devenus impuissants à lutter contre l'absentéisme scolaire, quelques lycées ont pris la décision de récompenser les classes assidues en leur consentant des «cagnottes» permettant de financer des projets comme l'obtention de permis de conduire ou des voyages. L'affaire fait grand bruit. Affaire de détail, mais si révélatrice de l'état où se trouve l'institution scolaire.

Ceux qui considèrent l'enfant comme un citoyen à part entière, autonome par nature, nanti de toutes sortes de droits (dont le droit de grève) qu'il peut revendiquer avec véhémence, devraient juger la chose normale : l'enfant est aussi un travailleur comme un autre, susceptible de recevoir des émoluments pour sa présence et son labeur.

Naturellement, les défenseurs de cette mesure arguent qu'il ne s'agit pas de rétribuer l'élève personnellement, mais de financer toute une classe pour son assiduité. En quoi serait-ce plus justifiable ? L'idée de «cagnotte» suppose une responsabilité collective. Ce qui est parfaitement injuste. La responsabilité collective ne s'entend que dans un groupe communautaire, c'est-à-dire réuni par des liens de sang, de croyance ou d'affection indélébile, ou à la limite, dans un groupe menacé en situation exceptionnelle. Une classe n'est pas une communauté, mais un ensemble de personnes réunies par un but commun, qui peuvent être solidaires, mais ne répondent pas les unes des autres. On imagine la pression des bons élèves sur les habitués de l'école buissonnière… La rétribution a clairement été collectivisée pour échapper au reproche de l'individualisme marchand. Car il est bien curieux de voir sortir cette mesure dans une société où toute relation d'argent est vilipendée à temps et à contretemps. Autrement dit : l'argent doit vous paraître détestable, sauf à être remis au groupe tout entier. Quelle hypocrisie.

Pantalonnade

La mesure, qui sera tentée à titre d'essai dans quelques lycées, traduit, au-delà de son aspect de pantalonnade, le désespoir qui règne dans l'école. Elle nous apprend (cela n'est pas clamé sur les toits, naturellement), que l'absentéisme est devenu monnaie courante au lycée. On peut comprendre que beaucoup d'élèves multiredoublants, qui ne restent là que par obligation de présence avant d'avoir le droit légal de travailler, s'ennuient mortellement et préfèrent tâter des petits boulots au lieu d'écouter à longueur de journée des cours qui ne les concernent plus. Il faut comprendre aussi que l'on ne peut plus punir les absences, et il faut comprendre que les parents n'ont plus l'autorité suffisante pour persuader un adolescent de 15 ans d'aller à l'école.

L'Éducation nationale finira-t-elle par se rendre compte qu'il serait préférable pour certains enfants de commencer un apprentissage plus tôt, et que son patron en lui imposant de venir travailler le matin, le construira au lieu de le détruire (les patrons sont tous des exploiteurs, comme on sait) ? Finira-t-elle par saisir que des punitions justifiées construisent l'adolescent en même temps qu'elles le contraignent (la contrainte est fasciste, comme on sait) ? Les parents finiront-ils par saisir que surveiller et punir un enfant n'est pas un délit foucaldien, mais un geste de construction de la personnalité ?

Des générations de petits tyrans

Nous nous trouvons là devant l'impuissance affichée d'adultes terrorisés par des enfants-rois : lesquels, en conséquence, ne deviendront pas des adultes, puisque personne n'ose leur fixer des limites. Nous fabriquons des générations de petits tyrans, qui continueront de se croire tout permis, exhiberont un ego surdimensionné, et se prétendront victimes des moindres déboires de la vie, à moins qu'ils ne deviennent tout simplement des flambeurs criminels.

En même temps, cette méthode proprement incroyable pour répondre au problème de l'absentéisme scolaire signe le caractère décidément maternel, et despotique au sens littéral, de l'État français. Au même moment, on nous annonce l'installation de brigades de sécurité scolaire qui pourront intervenir dans les lycées menacés de violences. C'est dire que l'État se donne pour mission d'éduquer lui-même les enfants, à savoir à la fois de punir et de récompenser. Ce qui revient aux familles, si elles veulent, du moins, façonner des enfants autonomes, c'est-à-dire capables d'intérioriser les normes morales pour pouvoir ensuite se les donner à soi-même.

L'État qui récompense et punit à la place des parents, méprise les groupes intermédiaires, ignore tout ce qui peut se glisser entre lui et l'individu solitaire, et finit par devenir le maître des esprits et des cœurs. Le rôle de l'État, dans la situation présente, serait davantage d'inciter les parents à remplir leur mission, de les y aider, et éventuellement de les priver d'allocations familiales s'ils négligent de s'acquitter de leurs devoirs légitimes. Sans groupes intermédiaires conscients de leur rôle et même jaloux de leur rôle, l'État devient le directeur d'un immense jardin d'enfants qui tape sur les doigts et distribue des sucettes. Parce qu'il n'a pas les moyens d'éduquer à l'autonomie, il peut seulement répondre en aval aux conséquences des sottises enfantines.

Devoir payer quelqu'un pour qu'il accomplisse son simple devoir, c'est légitimer l'émergence d'une société à la fois irresponsable et matérialiste.

6 commentaires:

  1. Cette récompense collective contrevient d'une certaine façon au Bulletin officiel de l'Éducation nationale (BOEN) du 13 juillet 2000, qui a interdit les punitions collectives (ce qui est une bonne chose). On ne peut pas s'interdire de punir collectivement d'un côté, et s'autoriser de récompenser collectivement de l'autre.

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  2. L'état a interdit les punitions collectives? Ah? Et bien, je peux vous assurer qu'elles existent toujours et que c'est par moment une nécessité... il faut être vraiment aveugle pour ne pas se rendre compte de l'ineptie consistant à vouloir faire tout et son contraire!
    Pour ce qui est de l'autonomie, cela me fait doucement rigoler car nos "chefs" ne cessent de ressasser sur ce point tout en faisant tout pour qu'elle (l'autonomie) n'existe pas!
    Pour être autonome, ne faut-il pas déjà être responsable de ses actes? Mais pour rendre responsable, il faudrait déjà supprimer cette infamie qu'est le collège unique et l'ineptie de l'école obligatoire jusqu'à 16 ans... Qui en aura le courage?

    Amusant de voir comment l'EN se débat dans toutes ses contradictions qui, à n'en plus douter, finiront par avoir raison d'elle...

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  3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  4. Évidemment, la pratique diffère des textes, inapplicables. Mais la sanction collective a ceci d'injuste qu'elle fait payer les élèves sages pour ceux qui les terrorisent.

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  5. "nos "chefs" ne cessent de ressasser sur ce point tout en faisant tout pour qu'elle (l'autonomie) n'existe pas!"

    C'est normal, elle n'existe pas chez eux. Ils ne décident rien (enfin pour leurs gueules, ils ne sont jamais avares avec le pognon des autres), ils achètent tout avec du pognon : paix sociale, la paix dans les banlieues, les élections, l'assiduité des élèves, etc. Ce n'est pas une attitude très adulte. Comme le rappelle F. de Closets, depuis quarante ans, les gouvernants ont peur du peuple. Ceux qui sont censés montrer la voie passent leur temps à marchander. Ca explique en partie pourquoi aucune des réformes dont le pays a le plus besoin n'a été faite.

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  6. Tiens, dans un tout autre domaine, une interview très intéressante :
    Charles Gave

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