vendredi, mai 20, 2011

Affaire DSK : le procès du double discours

Ivan Rioufol, dans Le Figaro d'aujourd'hui.

Affaire DSK : le procès du double discours.

Le PS excellait dans l'art de donner des leçons. Il n'avait pas d'idées mais il savait lustrer son éthique. Or voici que cet autre mirage s'effondre. L'incarcération, à New York, de Dominique Strauss-Kahn, qui s'apprêtait à confirmer sa candidature pour la présidentielle, laisse voir un parti incapable d'appliquer ses principes. Défenseur de l'égalité, des femmes, des pauvres, des minorités, il se plaint de voir son leader humilié par des juges accordant foi, les impudents, aux accusations d'une femme de chambre noire vivant dans le Bronx, victime présumée d'agressions sexuelles et de tentatives de viol. C'est une leçon de démocratie et d'indépendance que vient de donner la justice américaine à la gauche hypocrite.

Il aura été certes pénible de voir, sur les télévisions, la soudaine déchéance du patron du FMI. Il est apparu, dimanche, les mains menottées dans le dos lors de son arrestation, puis, le lendemain, devant un tribunal, l'air abattu et la barbe naissante. La brutalité des images, dont la presse audiovisuelle s'est rassasiée, a pu donner le sentiment d'assister au lynchage d'un puissant, condamné avant d'avoir été entendu. Cependant, cette mise en scène, habituelle aux États-Unis, relève aussi de la responsabilité des médias. Ces excès ne doivent pas faire oublier la vertu égalitaire qui a conduit des policiers et des juges à passer outre la notoriété du Français afin qu'il soit confronté aux indices et aux preuves qui ont justifié, dans un premier temps, la prison.

Le PS en appelle, à bon droit, à la présomption d'innocence et à la retenue. Il n'avait pas ces délicatesses quand il s'agissait de réclamer la démission d'Éric Woerth, mis en cause par des médias, ou quand ces derniers pilonnaient Nicolas Sarkozy, son comportement et ses amis riches, dont Silvio Berlusconi, épinglé pour ses aventures féminines. Non seulement la gauche n'a pas eu un mot pour la victime de Strauss-Kahn, mais ce dernier s'est révélé, dans son train de vie luxueux et dans ses pulsions de mâle ardent, comme l'exemple de ce que son parti disait exécrer dans le fric et le sexe.

DSK assure qu'il n'est pas coupable. Puisse-t-il avoir raison. Mais, dans l'immédiat, c'est l'imposture de la gauche morale qui s'est dévoilée dans son réflexe de caste méprisante pour les faibles. Certains socialistes s'accrochent à la thèse du complot comme le font les faussaires. La pugnacité de la justice américaine fait comprendre que les éléments dont elle dispose contredisent la simple relation consentie dont semblent se prévaloir les avocats du prévenu. Avec la chute de son candidat, c'est le masque d'un PS au double discours qui est tombé. Cette clarification peut être une chance pour lui.

Journalisme de l'étouffoir

Inutile de le taire plus longtemps: il y a une faille chez Strauss-Kahn, dans ses relations avec les femmes, voire dans sa plus générale légèreté. Il est loisible de suggérer un suicide politique dans son dernier comportement, cet acte manqué, dont il connaissait les pièges pour sa campagne. DSK assumait-il son possible et lourd destin? Poser la question revient à admettre un mystère dans cette personnalité, méticuleusement médiatisée par des professionnels de la communication. Le Tout-Paris bruissait de ses goûts libertins. Fallait-il seulement en sourire, comme la France aime le faire depuis ses rois, ou s'inquiéter davantage? En réalité, la connivence entre la gauche et ses médias a conduit à occulter une part d'ombre du leader socialiste. Cette pièce manquante du puzzle aurait pu être décelée et déclencher l'alerte.

Voyeurisme et puritanisme ne sont pas les réponses adéquates. Pour autant, le respect de la vie privée ne peut interdire l'analyse des faits et gestes d'une personnalité publique visant aux plus hautes fonctions. Des témoignages publiés auraient dû être mieux écoutés ; des interrogations auraient dû être formulées autrement qu'à travers les humoristes. La gauche ne s'est jamais gênée pour Nicolas Sarkozy, dont l'hebdomadaire Marianne s'est demandé naguère, en une, s'il était fou et relevant de la médecine. Comparer l'acharnement de Jean-François Kahn contre la personne du chef de l'État à son empathie pour son ami DSK est exemplaire du deux poids deux mesures appliqué par les médias militants. D'ailleurs, ce sont souvent les mêmes qui pratiquent le journalisme de l'étouffoir, qui consiste à occulter les réalités qui dérangent et à dénoncer ceux qui en parlent.

Leçons à tirer

Cette histoire a une première morale: celle de l'arroseur arrosé. Elle devrait inviter la gauche bien-pensante à mettre une sourdine à ses autosatisfactions et à ses propensions à dire le Bien. Mais c'est aussi l'ensemble de la classe politique qui devrait se sentir interpellée par les risques du double discours, cette vieille pratique utilisée à droite comme à gauche. L'exigence de vérité sur les faits, qui est attendue d'une opinion en rupture avec des élites jugées primesautières, oblige les dirigeants à multiplier les preuves de leur honnêteté intellectuelle. Cela commence par une cohérence assumée entre les discours et les actes et par une lucidité devant des évidences. En ce sens, la descente aux enfers de DSK dépasse le seul PS traumatisé. Elle annonce peut-être la fin de la désinvolture en politique.

L'automobiliste, bouc émissaire


Sarkozy a dit, jeudi, qu'il ne cédera pas sur la décision de supprimer les panneaux annonçant les radars routiers. Plutôt que de s'acharner sur l'automobiliste, ce bouc émissaire de tous les excès, le pouvoir ferait mieux de se réconcilier avec les Français.

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