lundi, mai 11, 2015

Emmanuel Todd, le faux prophète

Emmanuel Todd, le faux prophète

La conclusion de l'article, qui perd soudain toute rigueur, est niaise. Pour le reste, ça tient la route.

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Sa pensée peut se résumer ainsi : Emmanuel Todd analyse deux règles d'héritage qui co-existaient en France et en Europe dans le passé : d'un côté le droit romain qui divise l'héritage en part égale entre les frères, de l'autre le droit germanique qui favorise seulement l'aîné. En bon sociologue, Todd en déduisait que les régions où l'héritage égalitaire était dominant donnaient lieu aux idéologies égalitaires et universalistes, dont notre République est l'héritière, alors que les régions dominées par le droit germanique donnaient naissance à des idéologies inégalitaires, différentialistes et réactionnaires.

Sa théorie fonctionne assez bien pour la France d'hier : les régions françaises identifiées comme «égalitaires» (le Sud, l'Auvergne et le Bassin parisien) ont dans le passé maintes fois voté en faveur de la République et plus tard en faveur de la gauche. Les régions «inégalitaires» (le Grand Ouest et l'Est) avaient plus tendance à voter contre la République, comme par exemple lors du référendum de 1852 qui a proclamé empereur Napoléon III.

Seulement, depuis une quarantaine d'année, sa théorie n'est plus valide. La droite est maintenant dominante dans le Bassin parisien et dans le Sud, tandis que l'Ouest est farouchement socialiste. Au lieu de déclarer forfait, Todd a publié en 2013 Le mystère français, qui explique que sa théorie n'a rien de farfelu, mais que la France est mystérieuse. Le grand égarement du sociologue commence ici : tous les maux de la France, la paralysie de son système politique, la méfiance des citoyens envers les institutions, proviennent, selon Todd, de cette divergence entre son modèle et réalité. La France devrait confirmer les prédictions du modèle toddien ; comme elle ne le fait pas, elle est malade (c'est le terme utilisé dans ses livres).

Nombre de lecteurs, à l'éducation et à l'esprit scientifiques, doivent se demander avec effroi comment il est possible d'exposer un modèle sociologique qui ne fonctionne manifestement pas. Que ces lecteurs soient avertis : Emmanuel Todd n'est certainement pas le seul dans ce cas.

Avant lui, il y avait Marx. Comme l'expliquait très bien Raymond Aron, dès les premiers chapitres, la théorie exposée dans Le Capital devient incohérente avec elle-même : par exemple, rien ne permet de déduire la paupérisation du prolétariat au sein de la théorie marxiste. Que fait Marx ? Il la postule tout simplement. De toute façon, peu importe ces détails, car tout conflit est l'expression d'une lutte des classes mondiale ! Postuler un schéma réducteur pour que la réalité ainsi tordue colle avec la théorie est la clé d'une certaine sociologie non quantitative. Un autre exemple : Michel Foucault, qui affirme que l'essence de toute institution est de normer l'individu. Un hôpital soigne en premier lieu les malades ? Peu importe, c'est la normalisation des patients qui compte !
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Todd est symptomatique de l'esprit de Polytechnique (en français dans le texte) dont parle Hayek : «J'ai fait tous les calculs dans mon cerveau surpuissant. Si la réalité dément mes calculs, c'est la réalité qui a tort». D'où la blague : la différence entre le train et le polytechnicien, c'est que le train, quand il déraille, il s'arrête. Dernier exemple en date : Anne Lauvergeon.

Bien sûr,  cette maladie de l'esprit ne touche pas que les polytechniciens, ça serait trop beau. Je connais un magnifique exemple d'esprit de Polytechnique qui ne sort pas de cette prestigieuse école.

Remarquez bien que cette tournure d'esprit est apte à faire des bourreaux de classe mondiale. Ce n'est peut-être pas totalement un hasard si Pol Pot a été formé en France.


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