vendredi, février 10, 2017

Désastre national

Je pense qu'aucun Français ne contestera que la campagne en cours est un désastre national.

Au moment où d'autres pays font des choix majeurs, où l'on sent bien que la géopolitique et l'économie sont le siège de mutations importantes, aucun débat projet contre projet, vision du monde contre vision du monde, n'est proposé aux Français.

Nous nous moquons volontiers des Américains, mais leur récente campagne électorale, malgré ses outrances et, quelquefois, ses délires, a bien mieux posé le débat devant les Américains que l'actuelle campagne française

Commençons par le petit bout (pas si petit) de la lorgnette : le gouvernement des juges.

Je me permets de citer ce court article de Zemmour (on rappellera, pour goûter tout le sel de ce texte, que l'épouse d'Eric Zemmour est juge) :

Éric Zemmour : « Politiques et juges, l'éternelle malentente »

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Le combat des juges (alliés aux médias) contre Trump à peine élu symbolise dans toute sa pureté de cristal, le combat des «droits de l'homme» contre la volonté de la nation, l'affrontement de « l'État de droit » et de la démocratie. Le « gouvernement des juges » contre le souverain démocratique. On se croirait revenu aux temps immémoriaux de la monarchie française et de sa vieille querelle avec les parlements d'Ancien Régime.

On est fort loin des querelles dérisoires autour des « affaires » hexagonales. On est au coeur de la question qui va se poser de plus en plus en Europe et en France : une démocratie, ce sont d'abord des « valeurs » ou le régime du peuple par le peuple pour le peuple ?
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L'affaire Fillon, une tentative de coup d'État des juges

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La réalité est que le pouvoir judiciaire joue aujourd'hui un rôle de censeur des conduites collectives et individuelles en se fondant sur des considérations d'opportunité non juridiquement définies. La conception gaullienne de la justice comme simple autorité, telle qu'elle figure dans la Constitution de 1958, est dépassée.

Déguisés en justiciers moralisateurs, ces juges considèrent qu'une vérité suprême transcende la loi, produit contingent du compromis politique. Cette aspiration germe dès leur entrée à l'Ecole Nationale de la Magistrature (ENM) où ils y cultivent un esprit de caste. Cette institution issue du modèle bureaucratique reste ancrée dans ses propres idéaux. Cette jumelle de l'Ecole Nationale d'Administration (ENA) dont les fils de la grande bourgeoisie parisienne et de la haute fonction publique garnissent les bancs, demeure déconnectée de la société civile et des autres professions du droit.
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La question est fondamentale et ne paraîtra nouvelle qu’aux imbéciles (hélas de plus en plus nombreux, merci l'école moderne) qui ne connaissent pas l’histoire, Zemmour n’est pas de cette eau-là.

Le 20 janvier 1771, Louis XV, avec l’aide du chancelier Maupéou, exile les cours de justice qu’on appelle les parlements, toujours rebelles et maillotiniers, irresponsables et vaniteux, permanents agitateurs sociaux et politiques. On peut espérer que la réaction nobiliaire qu’ils soutenaient est brisée par l’autorité royale.



Hélas, le 12 novembre 1774, Louis XVI, sous l’influence néfaste de Maurepas, les rappelle.

Maupéou commente : « J'avais fait gagner au roi un procès de trois siècles. Il veut le reperdre, il est bien le maître. » Jean-Christian Petitfils indique qu'il aurait ajouté de façon bien moins sentencieuse : « il est foutu ». Date funeste s’il en est. Les parlements ne vont avoir de cesse de saper l’autorité du roi. Vous connaissez la suite. Louis XVI a mérité, par la justice sanguinaire de l’histoire, que sa tête tombe.

Le problème est aujourd’hui étrangement similaire : la réaction nobiliaire de la caste médiatico-technocratique, baptisée pour faire vite « le Système », est soutenue par les cours de justice, toujours aussi irresponsables et vaniteuses, qui paralysent l’exercice souverain de l’autorité déléguée par le peuple.

Mais élargissons le propos : ce ne sont pas seulement les robins qui trahissent la France au nom de leurs intérêts particuliers et de leur confort idéologique, c'est toute cette classe qu'il est convenu d'appeler les élites.

L'affaire Fillon et l'ascension artificielle d'Emmanuel Macron ne sont que des symptômes de cette trahison des élites.


Pierre Vermeren : « L'utopie aristocratique des bourgeois bohèmes »

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La nouvelle partition sociale et territoriale se lit dans l'espace. Dans la ville centre, on rénove à tout va. Tandis que la « France moche»  s'étend un peu chaque année, la ville centre gratte, piétonnise, ravale les vieilles pierres. Il en va du capital immobilier qui prospère ! Les bobos aiment habiter dans la pierre, même s'ils s'extasient devant le béton, qui est réservé à leurs salariés, à leurs clients ou à leurs enfants. Les bobos n'aiment pas la voiture. Quand ils n'ont ni enfants, ni personne à charge, ni attache provinciale, et qu'ils sont déchargés des taches matérielles, ils s'en passent ! En supprimant la voiture des centres-villes, ils en chassent provinciaux et banlieusards, et peuvent s'adonner sans risque à la marche ou au vélo. À la voiture, ils préfèrent le tram, le TGV, qui permet d'accéder directement aux stations balnéaires ou de montagne, et l'avion, dont on oublie qu'il pollue une fois la frontière passée.

Ils disposent des meilleures écoles, publiques et privées, pour leurs enfants (s'ils en ont), des meilleurs services de santé (les CHU concentrent la médecine de pointe française quand les médecins étrangers et de second rang soignent partout ailleurs), et des activités culturelles les plus subventionnées. Par bonté d'âme, quelques annexes du Louvre sont créées dans les anciennes terres industrielles. Dernière lubie, les bobos veulent manger bio et sain… quand les Français sont devenus champions d'Europe des hamburgers, kebabs et pizzas (grasses et à l'américaine). Car la déculturation matérielle a précédé la déculturation intellectuelle. Les bobos testent actuellement insectes et plantes cultivées sur les tours et les terrasses urbaines! L'agriculture peut bien couler. À suivre les caprices et les privilèges de la nouvelle aristocratie, le projet républicain s'effondre. Pourtant, en dépit des mises en garde de tant d'observateurs depuis Philippe Muray, l'implacable processus se déroule sans résistance… Jusqu'à ce qu'il produise ses effets comme chez nos amis anglo-saxons ?
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Macron: le coup d’éclat permanent ? Des réseaux bien huilés, ça aide énormément

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En fin de compte, il y a deux approches de l’affaire Fillon. Soit considérer que François Fillon n’a que ce qu’il mérite. Et que tout cela relève d’un fonctionnement démocratique. Il y a aussi une autre lecture, tout aussi recevable mais qui pose un lourd problème démocratique. Le moment choisi, les méthodes utilisées et l’objectif poursuivi par ceux qui sont manifestement à la manœuvre accréditent la thèse d’un dévoiement des services de l’État. Certains imaginent des basses manœuvres visant à confisquer l’élection présidentielle et faciliter l’arrivée d’Emmanuel Macron au second tour, pour qu’il puisse l’emporter grâce au front républicain. Si ces faits s’avéraient, cela s’apparenterait à un coup d’Etat.

Une telle stratégie jouerait avec le feu. Car rien ne garantit une victoire électorale du candidat de tous les conservatismes, mandataire de l’establishment énarchique et financier. Et quand bien même l’emporterait-il, sa victoire ne réglerait rien. Et les méthodes utilisées affaibliraient encore plus les institutions en créant autant de précédents très dangereux pour les libertés publiques.

Quant à Marine Le Pen, elle aura beau jeu de se présenter comme seule candidate du changement, et de la défense des libertés publiques. Il est décidément stupéfiant de voir que notre establishment n’a rien appris des élections américaines.
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Fillon : crucifixion sans résurrection. Être un chef ne s’apprend pas

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Cette situation est grave sur le plan interne, et que dire du plan international. Comme le dit Coralie 
Delaume, « pendant que nous sommes occupés à rejouer sans fin « l’Étrange défaite », la nouvelle administration américaine – après s’être assurée de la solidité du front russe – a manifestement décidé de s’occuper de l’Allemagne qui les inquiète depuis longtemps en raison de ses excédents excessifs. » Et lorsque l’on entend Donald Trump dire que l’UE est un instrument au service de l’Allemagne et Ted Malloch futur ambassadeur américain auprès de celle­-ci « que l’euro n’en avait plus que pour 18 mois »,

Peut-être serait-il prudent de se préoccuper de ce qui arrive. Malheureusement comme à d’autres occasions, nos élites ont fait le choix de leurs intérêts à court terme au détriment de ceux de leur pays. En mettant celui-ci en danger et elles-mêmes au bord de l’effondrement, comme en juin 1940, comme en mai 1958. Le problème est qu’à Colombey, désormais il n’y a plus qu’un tombeau.
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Il y a chez les élites françaises une tradition depuis la Régence de préférence étrangère, tour à tour, anglaise, allemande, anglaise, américaine, voire russe. Aujourd'hui, parce que nous sommes tombés très très bas, cette préférence étrangère est à la fois américaine, allemande et musulmane (les traitres ratissent large).

Il faut relire ce que De Gaulle disait des bourgeois préférant leur tranquillité au destin de la France (je n'en ai pas été exempt, j'en suis revenu).

Donald Trump a été élu pour casser la réaction nobiliaire, qu’on observe partout en occident. Il s’y emploie. Réussira-t-il ? C’est une autre histoire (il lui manque un lit de justice à la française ! J'aime bien l'histoire de ce lit de justice où Louis XIV se présente au Parlement de Paris de retour de chasse le fouet à la main. Le symbole étant dépourvu d'ambiguïté, on devait entendre les mouches voler). En tout cas, Trump s'active.

Notre destin se joue plus là-bas qu’ici.

Mais la préférence étrangère est un problème plus spécifiquement français, qui aggrave la réaction nobiliaire.

Nous, Français fidèles à la France plus qu'à notre classe, que pouvons nous faire ?

Hélas, beaucoup d'efforts pour peu de résultats et peu d'espoir. La chute à été longue, le redressement le sera autant sinon plus. C'est, là encore, une vieille tradition française : les incompétences et les trahisons des élites se payent au prix du sang du peuple français.

Mais il ne faut pas désespérer : la France n'est pas si facile à abattre et le peuple français a appris à survivre malgré, et non grâce à, ses élites.






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