lundi, août 14, 2017

Il n'y a pas de Macroléon

Macron n'est ni Napoléon, qui a donné à la France une structure administrative et juridique pour deux siècles, ni De Gaulle, qui a redressé un Etat à la dérive.

Au delà de la personne, finalement sans grand intérêt (des technocrates aux dents longues, on en a vu et on en verra d'autres) d'Emmanuel Macron, la question est : « Pouvait-il en être autrement ? ».

Ma réponse est hélas négative.

Je pense que, comme François Hollande avant lui, Emmanuel Macron est l'alibi des Français : il leur permet de mimer une volonté de changement qu'ils n'ont pas vraiment. Macron, comme Hollande, c'est le frisson du changement, sans l'effort du vrai changement.


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Macron perd pied (info # 011408/17) [Analyse]
Par Amram Castellion © Metula News Agency

On n’avait pas vu cela depuis plus de vingt ans. Après avoir maintenu un taux de popularité supérieur à 60% pendant le premier mois qui a suivi son entrée en fonctions, avec un maximum de 64% d’opinions favorables au moment des élections législatives de juin, le Président Macron, dans les deux mois d’été qui ont suivi, a vu réduire de près de moitié la proportion de ses concitoyens qui jugent favorablement son action. Selon le dernier sondage YouGov du 10 août dernier, le pourcentage d’opinions favorables se limite désormais à 36%, soit une baisse de 28 points en deux mois. Si ce rythme se poursuivait, le président atteindrait une popularité négative le 27 octobre prochain.

Cette rapide chute de popularité est d’autant plus remarquable qu’elle ne peut pas être mise sur le compte de l’action présidentielle, qui a à peine commencé à produire ses effets. La seule loi réformatrice votée à ce jour a porté sur la moralisation de la vie publique : limitation des possibilités offertes aux élus de la nation d’avoir une activité de consultant en parallèle, sanction d’inéligibilité des élus condamnés pour fraude fiscale, et interdiction d’employer des membres de leur famille. Cette loi – probablement une bonne chose au total – ne porte pas sur des sujets qui intéressent les Français au point de pouvoir faire s’effondrer une cote de popularité.

Il ne semble pas non plus vraisemblable que la baisse de la popularité du président soit liée aux réformes qui n’ont pas encore été mises en œuvre, mais que l’on annonce pour la rentrée. Ces réformes devraient inclure une modification du droit au travail : sous réserve des consultations en cours, on nous annonce un plafonnement des indemnités prud’homales, une plus grande compétence donnée aux négociations de branches, des ajustements des conditions de licenciement ainsi que des contrats de travail particuliers.

Ensuite, le gouvernement devrait procéder à une réforme fiscale qui réduira les cotisations sociales et augmentera la CSG [la contribution sociale généralisée], faisant passer une part accrue du fardeau fiscal des actifs vers les inactifs. Une réforme, moins bien définie pour l’instant, de l’assurance chômage devrait suivre : le candidat Macron avait annoncé l’attribution d’allocations chômage aux démissionnaires, mais il est à peu près certain que, si une réforme se fait, elle ne pourra pas se limiter à cette mesure coûteuse dans la situation budgétaire catastrophique que connaît actuellement la France.

Rien de tout cela – qu’on peut discuter, mais qui ne présente aucun scandale et ne manque pas de bon sens – ne peut expliquer une liquéfaction aussi spectaculaire de la popularité présidentielle. On ne peut même pas accuser la situation économique d’être responsable de la chute : celle-ci, au contraire, s’améliore plutôt. L’économie française devrait voir cette année sa meilleure croissance depuis 5 ans (même si cela ne fera encore qu’1,6%) ; l’investissement des entreprises devrait augmenter d’environ 3% pour la deuxième année consécutive ; le chômage, encore bien plus élevé que la moyenne européenne, évolue lentement vers la baisse et pourrait descendre à 9,4% en fin d’année (source : INSEE).

Pour comprendre la chute de popularité du président, le mieux est de revenir sur un thème que Macron lui-même a souvent répété pendant sa campagne : l’important n’est pas le programme (ou, selon les termes même de l’élu : « on se fout du programme ») mais la rencontre historique entre un homme et une nation. C’est cette rencontre historique qui est en train d’échouer. La principale raison est que la grande majorité de la nation est désormais convaincue que l’homme n’est pas à la hauteur.

Le premier indice de l’échec du projet macronien de se transformer en figure historique figure dans la liste même des réformes lancées ou envisagées, que j’ai présentées plus haut. Leur présentation n’a-t-elle pas suscité chez nos lecteurs quelques secondes d’ennui ? Si oui, il n’y a rien de surprenant. Les réformes Macron constituent un projet respectable, mais bien modeste à l’échelle des difficultés de la France. 

Cela ne signifie pas que ces réformes soient mauvaises ; mais il est manifeste que le programme de travail de Macron est celui d’un honnête réformateur, qui modifiera à la marge les institutions et le droit existant en espérant les faire fonctionner mieux.

Il n’y a rien de mal à cela. Mais l’image désormais donnée par le nouveau président devient, du même coup, entièrement contradictoire avec celle qu’il essayait de projeter avant et juste après son élection. Il aimait alors à se faire comparer par ses proches à Napoléon ou De Gaulle, et faisait dire qu’il représentait une rupture historique, non seulement à l’échelle de la France, mais à celle du monde. Parfois, dans des moments d’entraînement attendrissants, les macroniens et Macron lui-même osaient la comparaison avec les divinités de différents panthéons, Jésus ou Jupiter.

Sans revenir sur ces dernières comparaisons (nous avons tous nos moments de faiblesse et d’irrationalité), les deux premières auraient exigé que Macron, une fois élu, s’engage sur un projet de modification complète des institutions et de la gouvernance de la France, comme l’ont fait en leur temps l’empereur et le général. Lorsque le président a annoncé qu’il réformerait le droit du travail, on pouvait encore espérer des réformes fondamentales, comme une liberté presque complète de recrutement et de licenciement ou la création d’un contrat de travail unique.

Mais il est désormais clair que les réformes en profondeur ne sont, dans aucun domaine, ce qui attend la France sous Macron. La contradiction flagrante entre le grandiose des promesses et la modestie des projets a fait bien plus que toute mesure, prise ou annoncée, pour réduire la figure du président. Elle répand aussi le sentiment, que certains d’entre nous avaient déjà exprimé, que la fumée des références historiques macroniennes venait moins d’une appréciation objective de sa propre valeur que d’un délire narcissique incontrôlé.


Je suis un personnage historique, brillant et moderne ! C’est un ordre !

Sur fond de cette contradiction fondamentale entre une communication grandiose et un projet de gouvernement fait de réformes honnêtes et modestes, Macron a révélé en de multiples autres manières les limites de sa personnalité.

Lui qui voulait se présenter comme un visionnaire, résolu à mettre en œuvre un programme courageux, a multiplié les hésitations et les reculs face à la moindre résistance devant les annonces de réforme. Après 100 jours de pouvoir, le président a déjà reculé sur le toilettage de l’aide publique au logement, la création d’un statut de la Première dame, l’introduction d’une dose de proportionnelle aux législatives, l’interdiction de toute activité de consultant pour les élus, l’augmentation du budget des armées et la diminution du budget des armées. Il a, il est vrai, tenu bon sur deux importantes mesures fiscales (la réforme de la taxe d’habitation et de l’impôt sur la fortune), mais après un aller-retour très visible, qui n’a pas laissé l’impression d’une grande résolution. Derrière l’image du dirigeant déterminé, les Français ont vu réapparaître le jeune homme décrit par ses anciens camarades interrogés par la Ména : assoiffé d’approbation, voulant continuellement plaire à tous et en tout temps, rendu par là même incapable d’avoir une approche cohérente face à quelque question que ce soit.

Lui, qui se faisait volontiers décrire par sa clique comme un génie de la communication, n’a pas pu supporter l’hostilité croissante de la presse et a choisi de se retrancher dans un Elysée mieux fortifié que les bunkers du Hezbollah qui font face à Métula. Impasse sur l’interview traditionnelle en direct du 14 juillet, jugée trop dangereuse pour la précieuse image présidentielle ; contrôle sourcilleux de l’identité de chaque journaliste admis devant l’auguste présence ; présence de plus en plus discrète sur les réseaux sociaux : la paranoïa a remplacé l’empathie, les querelles de bas étage entre journalistes et équipe de communication (ainsi qu’au sein même de cette équipe) ont remplacé la promesse de construire une relation constructive.

Lui dont la jeunesse et la modernité semblaient annoncer un mode de gouvernance fait d’échanges ouverts à tous, s’est crispé dans la verticalité la plus désuète et dans des trépignements d’autoritarisme dont il est difficile de dire s’ils semblaient plus séniles ou plus infantiles. Lorsque l’ancien chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers, a vu fuiter les déclarations confidentielles qu’il avait faites devant une commission parlementaire sur la situation budgétaire des forces, la réaction du président – le spectacle d’un gringalet de 39 ans disant publiquement à un ancien combattant universellement respecté du Kosovo, d’Afghanistan, du Mali et d’Irak « Je suis votre chef et je n’ai besoin ni de vos pressions ni de vos commentaires » – était si évidemment déplacé qu’elle suffit, à elle seule, à expliquer une partie importante de sa baisse de popularité.

Lui dont la venue annonçait une rupture face à des méthodes politiques vieillies, qui avaient failli à la tâche de résoudre les problèmes essentiels des Français, continue à refuser systématiquement de voir ce qu’est devenue la principale angoisse du pays : son inquiétude identitaire face à une population installée dans son sein mais hostile à son histoire, à ses valeurs et, sur le long terme, à sa survie. Il continue, délibérément, sourd à tous ceux qui essaient de lui faire rapport sur ce défi historique, à prôner davantage d’ouverture culturelle, davantage d’entrées, davantage d’accommodements. Sa position personnelle semble, sur ce sujet essentiel, délibérément hostile à une opinion publique pour laquelle il n’a probablement pas un grand respect.

Il est naturellement impossible de prévoir, aussi tôt dans le quinquennat, s’il sera pour finir un échec ou un succès. Le président a pour lui l’esprit d’analyse, une réelle flexibilité, et une volonté passionnelle d’être aimé. Il a plus de temps qu’il n’en faut pour redresser la barre, annoncer et mettre en œuvre des mesures populaires et trouver un ton plus juste dans sa communication. Et pourtant, je serais plus optimiste si les reproches qu’on pouvait lui adresser concernaient son action ou ses projets. Ceux-ci, à ce jour, sont modestes, mais respectables. La principale faiblesse que la France a découverte chez Emmanuel Macron ne concerne pas son action, mais sa personnalité même : la seule chose que les calculs politiques les plus habiles ne savent pas modifier.
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